vendredi 17 août 2018

Parcourir l'obscurité, juin 2018






                                                                 Tout a commencé par la rencontre avec une femme de quarante ans non voyante. J’avais 20 ans. J’étais étudiante. Une amie m’avait proposé de la remplacer pour corriger ses copies d’un professeur de français  dans un collège de banlieue parisienne. Parfois le mercredi après midi elle me demandait de l’accompagner au cinéma.
Situation délicate je devais lui murmurer à l’oreille les descriptions des paysages et des personnages sans gêner les spectateurs de la salle. A chacun de mes silences elle insistait pour que je reprenne immédiatement  les descriptions.
Cette relation amicale a duré une année.
Elle m’impressionnait par sa clairvoyance.
Cette femme me hante. Mes promenades nocturnes où les formes autour de moi disparaissent m’aident à retrouver les émotions fortes partagées avec elle.
Très jeune elle  avait perdu la vue, les contours des choses n’apparaissaient pour elle que par le toucher, le  toucher du visage, serrer  le bras, cette proximité créait un grand trouble. Le travail photographique se situe dans la recherche de cette émotion en rendant l’image flottante par l’impression sur du calque.
L’image s’évanouit, l’encre s’évapore, la forme se dissout dans la profondeur du papier. Il faut rester un long moment sur l’image pour percevoir quelque chose du paysage, d’une personne. Le spectateur perd à son tour la vue.
Je me souviens quelle trouvait les descriptions trop  subjectives  et approximatives. Cette  femme me demandait toujours plus de précision dans la description par le choix  des mots.



Violaine Burgard, Juin 2018

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        Traditions occultes des gitans, Pierre Derlon, ed. Robert Laffont, 1982