Enfant, dans le noir de la chambre, un vêtement suspendu devient sans crier gare un personnage fantastique. Embarquée sous les draps, je ne peux détourner les yeux. Un trou dans le mur, mystère du monde qui s’ouvre derrière. Occulter ce trou œil qui m’observe et m’empêche de fermer le mien.
On entre en vagabond dans les formes de la nuit. Entre
la maitrise et l’abandon.
Je fais des trous dans des photos. Des trous
d’aiguille. L’aiguille qui devrait coudre, construire ou réparer, ici, abime
l’image. De la pointe de l’aiguille j’emporte l’image, elle perd de sa
matérialité pour en trouver simultanément une autre.
Quand on regarde une photo piquée c’est toujours la
photo que l’on voit mais ce n’est plus la même image. Elle n'est pas superposée
à l’image saisie par l’appareil photo, elle est dans l’image même. Dans le
papier comme une scarification. Mais cette vision ne vient pas de nulle part,
elle surgit de ce qui est là sur l’image photo. Un nouvel espace s’ouvre.
Je joue avec le principe de lumière de la
photographie en la faisant, de nouveau, entrer dans les pores du papier.
Lorsque la source lumineuse provient
de derrière la photographie, l’image s’illumine. La petite ourse éclaire sa
nuit, de son corps s’échappe des étincelles.
En éclairage frontal, cachée derrière l’image, l’ombre de la silhouette
piquée se projette sur le mur créant une autre image.
Ces photos auraient pu s'appeler constellations
intérieures, comme les images que l’on se provoque sur la rétine en fermant les
yeux très fort quand on est enfant et qui nous émerveillent tout en nous
plongeant dans un abîme.
Mes images ont un grain, complètement piquées.
Geneviève Grabowski
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire