Tout a commencé par la rencontre avec une femme de quarante ans non voyante. J’avais 20 ans. J’étais étudiante. Une amie m’avait proposé de la remplacer pour corriger ses copies d’un professeur de français dans un collège de banlieue parisienne. Parfois le mercredi après midi elle me demandait de l’accompagner au cinéma.
Situation délicate je devais lui
murmurer à l’oreille les descriptions des paysages et des personnages sans
gêner les spectateurs de la salle. A chacun de mes silences elle insistait pour
que je reprenne immédiatement les descriptions.
Cette relation amicale a duré une
année.
Elle m’impressionnait par sa clairvoyance.
Elle m’impressionnait par sa clairvoyance.
Cette femme me hante. Mes
promenades nocturnes où les formes autour de moi disparaissent m’aident à
retrouver les émotions fortes partagées avec elle.
Très jeune elle avait perdu la vue, les contours des choses
n’apparaissaient pour elle que par le toucher, le toucher du visage, serrer le bras, cette proximité créait un grand
trouble. Le travail photographique se situe dans la recherche de cette émotion
en rendant l’image flottante par l’impression sur du calque.
L’image s’évanouit, l’encre
s’évapore, la forme se dissout dans la profondeur du papier. Il faut rester un
long moment sur l’image pour percevoir quelque chose du paysage, d’une
personne. Le spectateur perd à son tour la vue.
Je me souviens quelle trouvait les
descriptions trop subjectives et approximatives. Cette femme me demandait toujours plus de précision
dans la description par le choix des
mots.
Violaine Burgard, Juin 2018
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